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La nécessité d’un développement de l’accès à l’électricité en Afrique

Un grand continent aujourd’hui trop souvent plongé dans l’obscurité.
Continent riche d’une population de 1,2 milliards d’habitants, l’Afrique ne consomme néanmoins que 3% de l’électricité produite aujourd’hui dans le monde.
Plus de 620 millions d’africains vivent aujourd’hui sans électricité et le continent présente le taux moyen d’électrification le plus faible parmi les régions en développement (42%). Ce taux moyen masque de fortes disparités à l’échelle du continent : le taux d’électrification est en effet largement plus faible en Afrique subsaharienne, où il descend en dessous de 10% dans les zones rurales.
La question de ce déficit d’accès à l’électricité est vouée à devenir de plus enplus critique du fait de l’explosion démographique que connaît le continent. La population africaine devrait en effet doubler d’ici 2050, et atteindre 4,2 milliards d’habitants – soit 40% de la population mondiale – d’ici la fin du siècle.

Cette croissance démographique s’accompagne de migrations conséquentes des populations vers les zones urbaines. Cette urbanisation croissante – conjuguée à l’essor d’une classe moyenne au mode de vie plus intense en énergie – contribuera par ailleurs à intensifier la demande en électricité à l’échelle du continent.

 

Des enjeux sociaux et économiques considérables

L’accès à l’électricité est un enjeu clé pour améliorer la satisfaction des besoins fondamentaux des populations africaines. Parmi ces besoins figure notamment la sécurité alimentaire, favorisée par l’amélioration de la productivité au sein de la chaîne alimentaire et le développement de modes de production agricole modernes.
L’accès à l’électricité constitue également un progrès sanitaire via l’amélioration de l’hygiène alimentaire (préservation des aliments par la réfrigération), une meilleure disponibilité des équipements médicaux, ou encore la substitution à l’usage domestique de combustibles solides dont les fumées sont des causes ou des facteurs aggravants de maladies respiratoires constituant la première cause de mortalité en Afrique (ces maladies tuent chaque année plus de personnes que le sida, le paludisme et la tuberculose réunis sur le continent).
L’accès à l’électricité influe également sur les modes de vie en déchargeant femmes et enfants de certaines tâches – comme par exemple la collecte du bois – et permet ainsi le développement de l’accès à l’éducation pour les populations les plus défavorisées.
Au-delà de ces enjeux sociaux, l’amélioration de l’accès à l’électricité constitue un enjeu clé pour le développement économique du continent. L’allongement des heures de travail, la limitation des périodes d’arrêt dans les entreprises causées par les délestages, la fiabilisation des réseaux de communication sont autant d’avantages permis par l’amélioration de l’accès à l’énergie et en particulier à l’électricité. La Banque africaine de développement (BAD) estime ainsi que les pénuries d’énergie et les pannes de courant coûtent au continent 2 % de son PIB.
Même si la redistribution des fruits de la croissance du continent peut être opérée de manière plus ou moins efficace selon les politiques mises en place par les Etats, il est entendu que le développement économique du continent est l’un des facteurs clé du recul de la pauvreté et de l’amélioration des conditions de vie des populations africaines. L’indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) atteste ainsi d’une progression annuelle de 1,5 % depuis les années 2000.
En contribuant au développement de perspectives favorables sur les plans de l’économie, de l’accès à des services d’éducation ou de santé, et plus généralement à l’amélioration de la qualité de vie des populations africaines, le développement de l’accès à l’électricité constituerait enfin une piste de réponse durable aux crises politiques chroniques ainsi qu’aux déséquilibres migratoires affectant aujourd’hui le continent.

Une aubaine pour l’économie mondiale

Le développement économique de l’Afrique suscite intérêt et espoirs bien au-delà des limites du continent. Selon une enquête Ernst & Young menée auprès de plus de 500 investisseurs internationaux, l’Afrique est désormais la seconde région la plus attractive du monde derrière l’Amérique du Nord.
Le continent s’impose ainsi progressivement comme un relais de croissance privilégié pour les économies mondiales. Les investissements directs étrangers (IDE) connaissent une croissance remarquable et le retour de la confiance des investisseurs devrait se traduire par un rebond des IDE en 2014 et 2015 à respectivement 1 600 et 1 800 milliards de dollars.
En permettant le développement de certaines activités économiques (que ce soit dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture ou des services), l’amélioration de l’accès à l’électricité doit jouer un rôle de catalyseur de ce relais de croissance pour l’économie mondiale. On estime ainsi qu’une hausse de la croissance Africaine de 10 points apporterait 2 à 3 points de croissance supplémentaires dans plusieurs pays d’Europe dont la France.

 

La nécessité d’un plan ambitieux pour financer l’électrification

Des besoins variés

D’ici 2030, l’Agence Internationale de l’Energie Renouvelable (IRENA) estime que la demande nette en électricité sur le continent africain sera comprise entre 1 800 et 2 200 TWh, soit le triple de la demande observée en 2010.
Pour répondre à ces besoins croissants, la capacité de production électrique devra passer de 140 à 250 voire 480 GW, en fonction des scénarii retenus et notamment de la part des énergies renouvelables – au facteur de charge plus faible – dans le mix énergétique du continent. Un scénario pro-renouvelable nécessiterait donc une capacité supplémentaire de 430-620 GW alors qu’un scénario plus conservateur se contenterait de 390-440 GW.
La satisfaction d’une demande en hausse passe également par le développement des interconnexions entre les pays et nécessitera inévitablement une rénovation et une extension des réseaux de transport et de distribution. Cette étape est d’autant plus cruciale que l’instabilité de ces réseaux constitue une limite à la qualité du service d’approvisionnement à laquelle sont aujourd’hui confrontés de nombreux pays africains.
Le développement de ces infrastuctures de production, de transport et de distribution d’électricité requière une implication sans précédent de l’ensemble des acteurs concernés aux niveaux africain et international (Etats, développeurs de projets, financeurs privés et publics, bailleurs de fonds internationaux, etc.).
Cette mobilisation est cruciale pour définir d’une part au niveau des Etats des objectifs de développement ambitieux soutenus par des cadres institutionnels adéquats, et pour assurer d’autre part une mobilisation de l’ensemble des savoir-faire et des moyens techniques, humains et bien évidemment financiers pour permettre la mise en œuvre d’un tel développement.

Des financements conséquents à mobiliser

Les travaux des 5 pools énergétiques régionaux africains évaluent un besoin de financement international, sur la base des projets inscrits à leurs portefeuilles, à hauteur de 300 milliard de dollars (COMELEC : Comité Maghrébin de l’Electricité ; EAPP : East African Power Pool ; PEAC : Pool Energétique de l’Afrique Centrale ; WAPP : West African Power Pool ; SAPP : Southern African Power Pool).
L’initiative d’Energies pour l’Afrique consistant à faire passe le continent à 80% d’accès à l’énergie en 10 ans, 250 milliards sont donc à mobiliser, 20% de fonds publics permettant de faire levier pour les financements privés.

 

Le don au service de l’urgence

Une part significative de ces investissements concerne des projets pour lesquels une rentabilité ne peut pas être atteinte, du fait notamment des coûts significatifs à encourir pour amener le courant aux populations les plus isolées, ou encore du pouvoir d’achat limité de certaines populations et donc de leur incapacité à payer un accès à l’électricité à un tarif de marché.
Une intervention du secteur public est donc indispensable pour permettre que le développement de l’accès à l’électricité ne se fasse pas au détriment de la frange la plus démunie de la population, n’accroisse pas les inégalités au sein du continent et ne contribue pas davantage à l’expansion tentaculaire des zones urbaines au détriment des campagnes.

Une multitude de sources de financement à canaliser pour davantage de lisibilité

Des financements d’ores et déjà disponibles…

Energies pour l’Afrique n’appelle pas tant au déploiement de financements supplémentaires qu’à la révision de leur mobilisation et de leur affectation. Les engagements de Copenhague, à hauteur d’une mobilisation de 10 milliards par an, n’ont pas été tenus ; la moitié (5 milliard par an) suffirait aujourd’hui à servir de levier en rassemblant en 10 ans 50 milliards, soit 20% du montant permettant d’atteindre l’objectif d’électrification de 80% du continent.
De façon générale, l’aide publique au développement à destination du continent africain dépassait les 30 milliards de dollars en 2013. De cette aide, 6% étaient destinés au développement du secteur de l’énergie, soit près de 2 milliards de dollars. A la lumière des statistiques de l’OCDE, l’Union Européenne est la principale contributrice et, en 2013, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis et la Norvège contribuaient à eux seuls à 80% de cette aide spécifique à l’énergie.
On dénombre sur le continent des dizaines d’initiatives dédiées au développement du secteur énergétique et à l’électrification plus particulièrement, portées par les bailleurs de fonds, les agences de coopération nationales et internationales ou les Etats eux-mêmes.
Rien qu’en Afrique sub-saharienne, une vingtaine d’instruments financiers ont été mis en place pour soutenir le sous-secteur de l’électricité. La plupart sont à destination du secteur privé et ont d’ores et déjà permis de développer les actifs des pays dans lesquels ils sont en place.

… mais difficiles à mobiliser sur l’ensemble du continent

Le nombre et la variété d’initiatives dédiées au développement de l’accès à l’électricité en Afrique sont aujourd’hui significatifs au point de rendre difficile pour les développeurs privés et les Etats d’identifier précisément l’ensemble des possibilités qui leur sont offertes. Les acteurs locaux souffrent souvent d’un déficit de connaissance vis-à-vis des spécificités de ces instruments (bénéficiaires potentiels, périmètre géographique, technologies éligibles, spécificités techniques requises) et des modalités de candidature pour en bénéficier.
De plus, l’étude détaillée de la distribution de l’aide internationale montre des déséquilibres forts entre les pays d’Afrique : d’après les chiffres de l’OCDE, l’Afrique du Sud, le Malawi, le Kenya et la Tanzanie attirent ainsi plus de la moitié des 2 milliards d’aide publique au développement dédiée au secteur de l’énergie en Afrique.

La création d’un réceptacle unique pour démultiplier les bénéfices de l’aide internationale

Compte tenu de ces éléments, Energies pour l’Afrique plaide pour la création d’un réceptacle unique aux canaux de soutien et de financement de l’aide internationale, et avec pour unique mission de contribuer – par tous les moyens nécessaires – au développement de l’accès à l’électricité en Afrique.
Cette structure aurait pour but de faciliter le développement des capacités de production, de transport et de distribution de l’électricité sur l’ensemble du continent en incarnant le rôle de cheville ouvrière assurant la coordination entre Etats, bailleurs de fonds et développeurs privés.

 

Source: Energies pour l’Afrique